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Archives Mensuelles: août 2014

danseuse_Degas_Orsay

Il est toujours frustrant de se voir interdire l’usage de l’appareil photo lors d’une belle ou rare exposition.

Je découvre que le ministère de la culture a publié, en juin 2013, une Charte des bonnes pratiques dans les musées et les établissements nationaux.

Il en ressort que l’usage du flash est interdit, que les oeuvres peuvent être photographiées, sauf indication contraire motivée, et surtout, que les organismes concernés s’engagent à mettre en ligne, à disposition du public, des reproductions de bonne qualité des oeuvres.

A nos appareils !

Illustration : La petite danseuse de quatorze ans, Edgar Degas, Musée d’Orsay

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…. ni mes livres, ni mes CD, ni mes DVD.

Je ne déballe rien : l’appartement a vieilli et les fenêtres, les portes doivent être changées, les murs et les plafonds isolés, le sol carrelé. Le chantier va durer plusieurs semaines.

Mais ne débutera pas avant mi-novembre au mieux, les cahiers de commande des entreprises sont déjà pleins, les matériaux doivent être fabriqués  …

Alors je tourne en rond devant mes cartons, je soupire après mes étagères Ikéa démontées et entassées.

J’ai du mal à réfléchir, privée de la vue de mes préférés.

Sûr, je ferais une mauvaise prisonnière, pas capable, contrairement à Joseph Czaspki dans son camp, de me remémorer mes lectures et, a fortiori, d’y consacrer des conférences !

vanstratenzonzonpepette

« On a la gueule qu’on peut. Avec ses yeux très clairs et sa barbe à frisettes, ce grand maigre ressemblait aux Bons Dieux qu’on voit dans les églises. À cela, elle ne trouva rien à redire. Pour le reste, c’était un type pareil aux autres qui lui payait un verre et, tantôt, la tripoterait sans doute sur un lit, à moins qu’il n’attrapât la flemme et simplement la plantât là. Ce sont des choses qui arrivent. D’ailleurs, il avait payé d’avance : une couronne.

Ce qui est sûr, c’est qu’il aimait beaucoup à causer. Il arrivait d’en France. Il avait pris cinq minutes à le raconter. Il avait dit aussi :
– Mademoiselle, moi, je suis anarchiste.
Et comme Zonzon avait répondu :
– Peuh ! j’emmerde ces gens-là.
il en était à préciser :
– Mademoiselle, quand je dis anarchiste,entendez que je suis anarchiste-chrétien.
– Oh alors ! concéda Zonzon, qui après tout s’en fichait.

On aurait pu croire que, d’accord sur ce point, ils s’entendraient, au plus vite, pour le reste. Et pas du tout :
– Mademoiselle, reprit-il,connaissez-vous Tolstoï ?
– Tolstoï, voyons ? Non, elle ne connaissait pas Tolstoï.
Du moins, elle ne s’en souvenait pas.
– En tout cas, fit-elle, tu peux m’amener ce type.
Ce qu’elle disait était simple : l’homme en parut surpris. Il la fixa de ses yeux clairs :
– Mademoiselle, si je vous ai invitée, ce n’est pas pour ce que vous croyez.
– Non ? commença Zonzon. Tu ne penses cependant pas que pour ta couronne…
Il ne la laissa pas finir.
– Mademoiselle, ce que je voudrais, c’est vous faire avoir honte.
– À moi ! dit Zonzon.
On ne lui avait jamais proposé cet ouvrage. Après tout, s’il aimait ça !
– Bon, dit-elle, si tu veux, j’accepte que tu me fasses avoir honte. Mais il faudrait arrondir ton petit cadeau.
Il sortit une autre couronne :
– Ceci, expliqua-t-il, c’est uniquement pour votre temps. Le reste, Mademoiselle, je n’en userai pas. Nous causerons.
Ah ! bon, elle comprenait : on rencontre, parfois, de ces maboules à qui parler suffit, auprès d’une femme.

Elle se cala, bien d’aplomb :
– Vas-y, mon vieux
– Mademoiselle, commença-t-il, je disais tout à l’heure que je suis anarchiste, anarchiste-chrétien. Je devrais dire plutôt anarchiste-amoureux. J’ai pour l’humanité de l’amour plein le cœur…
– Oui, approuva Zonzon.
– Les hommes sont frères, et vous, ô ma sœur, c’est comme ma sœur que je vous aime.
– Oui.
– Ne vous arrive-t-il pas de penser au temps où vous étiez une petite fille innocente et jolie.
– Oui… oui…
Elle le laissa aller : il ne faut jamais contrarier les maboules ; il parlait bien d’ailleurs. Tout de même, comme une fois il avait prononcé le mot« prostituée » et qu’il y revenait, elle pensa se fâcher :
– Mon P’tit, je sais que c’est comme ça qu’on nous appelle à la police. Mais c’est pas vrai. On est, nom de Dieu, une femme avec un cul comme toutes les autres.
– Mademoiselle, dit-il, ne vous emportez pas. »
(…)

André Baillon, Zonzon Pépette fille de Londres
Illustration : Henri Van Straten, gravure 1927

On peut télécharger le livre ici : Feedbooks

Un peu courbé en deux par l’âge, un peu radotant, mais aux doigts d’or quand il se met à inventer d’ingénieuses prothèses qu’il fabrique avec trois francs, six sous.
Plus jeune, il naviguait, assistée de son épouse, qui va où il va. Aujourd’hui, ils se contentent de voyager.
Il connaît bien toute l’Afrique centrale et, ces dernières années, il a parcouru la Scandinavie. Il met un point d’honneur à apprendre la langue des pays qu’il découvre. Pour mieux découvrir la culture et les habitants.

C’est lui qui m’a conseillé la lecture de « Master and Commander », de Patrick O’Brian, récit très enlevé mais sensible et reflet d’une époque, celle où les navires de la Royal Navy de l’amiral Nelson chassaient leurs ennemis français et espagnols sur  les mers du globe.

Et, comme j’aime ça, je le lis en anglais.

roald1« Shall I send the hands to dinner, sir? » asked James Dillon when Jack was aboard again.
‘No, Mr Dillon. We must profit by this wind. Once we are past the cape they may go below. Thoses guns are breeched and frapped?’
‘Yes, sir.’
‘Then we will make sail. In sweeps. All hands to make sail.’
The bosun sprang his call and hurried away to the fo’c’sle amidst a great rushing of feet and a good deal of bellowing.
‘Newcomers below. Silence there.’ Another rush of feet. The Sophie’s regular crews stood poised in their usual places, in dead silence. A voice on board the Généreux a cable’s length away could be heard, quite clear and plain, ‘Sophie’s making sail.’

She lay there, rocking gently, out in Mahon harbour, with the shiping on her starboard beam and quarter and the brilliant town beyond it. The breeze a little abaft her larboard beam, a norhterly wind, was pushing her stern round a trifle. Jack paused, and as it came just so he cried, ‘Away aloft’. The calls repeated the order and instantly the shrouds were dark with passing men, racing up as though on their stairs at home.
‘Trice up. Lay out.’ The calls again, and the topmen hurried out on the yards. They cast off the gaskets, the lines that held the sails tight furled to the yards; they gathered the canvas under theirs arms and waited.
‘Let fall.’ came the order, and with it the howling peep-peep, peep-peep from the bosun and his mates.

(…) She was under way and all along her her side there sang a run of living water. Jack and his lieutenant exchanged a glance: it had not been bad (…). »

Patrick O’Brian, Master and Commander, W. W. Norton & Company

« Puis-je autoriser les hommes à dîner, monsieur ? demanda James Dillon quand Jack eut rembarqué.
– Non, Mr Dillon. Nous devons tirer avantage de ce vent. Lorsque nous aurons passé le cap, les hommes pourront descendre. Ces pièces sont-elles arrimées comme elles le méritent ?
– Oui, monsieur.
– Alors nous allons mettre à la voile. Embarquez les avirons !
Tous les hommes pour mettre à la voile ! »
Le bosco lança son appel et fonça vers le gaillard d’avant, au milieu du vacarme de la course et de pas mal de beuglements.
« Les nouveaux venus, en bas ! Silence, là-bas ! » Une autre ruée, assourdissante. Les hommes de l’équipage régulier de la Sophie occupaient leurs postes habituels, dans un silence de mort. On entendit une voix, à bord du Généreux, à une encablure de là, parfaitement claire et nette : »La Sophie met à la voile. »

Elle se balançait doucement, à la limite du port de Mahon, le shipping sur ses travers et hanche tribord, la ville étincelante au-delà. La brise du nord, un peu en arrière de son travers bâbord, fit très lentement pivoter sa poupe. Jack attendit. Lorsqu’elle fut dans la bonne position, il cria : »Hissez tout ! » Les sifflets firent passer son ordre. Les haubans se couvrirent de marins qui se précipitaient vers le haut des mâts aussi facilement que s’ils empruntaient un escalier.
« Relevez ! Abattez ! » Encore le sifflet, et les hommes des manoeuvres hautes se jetèrent sur les vergues. Ils dénouèrent les rabans de chanvre, ces cordages qui maintiennent les voiles serrées aux vergues. Ils retinrent la toile sous leurs bras et attendirent.
L’ordre vint enfin –  « Lâchez tout ! » – suivi des coups de sifflet stridents du maître d’équipage et de ses aides.

(…) Elle était en route. Sous son flanc retentit le chant de l’eau vive. Jack et son lieutenant échangèrent un regard. Ce n’était pas trop mal. (…) »

Patrick O’Brian, Maître à bord, traduction Hubert Prolongeau, Editions Omnibus

Illustration : Brigg Roald Admunsen

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« La fenêtre ouverte, les constellations entrent dans ma chambre. Enfant, je lisais tard. Un soir, un livre m’apprit que le soleil finirait par s’éteindre. Qu’un jour, toute vie pût disparaître de la terre, me suffit pour désespérer. Les arbres, les rochers, les eaux mortes de l’étang de Jaizkibel, sans que je ne m’en rendisse compte, …

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J’essaie de prendre  des photos. Discrètement.

Devant la façade d’un marbrier, et alors que je n’ai rien vu venir, j’entends une voix m’interpeller gentiment :

« Ah, c’est pour le concours photo ?… ».

C’est l’un des 3 400 habitants  de la ville.

La 3 401ème habitante balbutie que oui et range son appareil photo.